Les gorges d’Ollioules

Article extrait de la page facebook de l’antenne ollioulaise du Partit Occitan :

Ci-dessous un texte sur les gorges d’Ollioules écrit en 1839 par l’écrivain Victor Hugo.

Dommage que la DN8 qui traverse ces gorges soit devenue aujourd’hui le « terrain de jeu » de certains motards irresponsables ! Explications et remarques après le texte de V. Hugo…

1 – Les gorges d’Ollioules (extrait du récit « En voyage, Alpes et Pyrénées » écrit en 1839 par Victor Hugo)

À gauche, les roches calcaires usées, morcelées et aiguisées par les orages se dressent comme les aiguilles d’une cathédrale; à droite, les grès prennent des formes et des attitudes singulières. Ce sont des titans à demi enfouis dans la terre, dont on distingue les épaules, les omoplates, les hanches et la colonne vertébrale ; ce sont des crânes énormes dont il semble que des vautours géants aient fouillé les yeux ; ce sont des tortues monstrueuses que le déplacement de la voiture fait ramper à travers les bruyères sous leur carapace de quatre-vingts pieds de long. Puis la route tourne, une forteresse gothique en ruine se dresse au sommet d’une montagne, d’immenses escarpements de roches nues et déchiquetées envahissent tout l’horizon, le chemin se resserre, un lit de torrent desséché vient le côtoyer ; on est dans les gorges d’Ollioules. — Là, j’ai mis pied à terre.

Il ne manque qu’un événement aux gorges d’Ollioules pour avoir la célébrité des Fourches Caudines ou des Thermopyles. C’est vraiment un lieu formidable. L’œil n’y voit plus rien qu’une roche jaune, abrupte, déchirée, verticale, à droite, à gauche, devant, derrière, barrant le passage, obstruant le retour, pavant la route et masquant le ciel. On est dans les entrailles d’une montagne, ouvertes comme d’un coup de hache et brûlées d’un soleil à plomb. À mesure qu’on avance, toute végétation disparaît. À peine çà et là on voit sortir entre deux blocs l’anis ou la Sabine qui servait aux philtres des sorcières. Pourtant derrière une grosse pierre j’ai cueilli une petite sarriette des montagnes qui sent très bon et dont la fleur est jolie. Des lierres maigres, des figuiers nains, des pistachiers sauvages, quelques pins d’Alep tordus par le mistral pendent misérablement aux crevasses des roches supérieures. Des bouches de cavernes, la plupart inaccessibles, sont béantes à toutes les hauteurs et de tous les côtés. Plusieurs ressemblent à des galeries éventrées. On y distingue des entablements, des consoles, des impostes, toute une architecture surnaturelle et mystérieuse. Sur les crêtes mêmes de la montagne, çà et là, des roches se courbent en arches et font des ponts aériens pour des passants impossibles. Pas un oiseau, pas un animal, pas un frôlement de feuilles. L’hiver, le torrent passe là tout seul avec son bruit effrayant. Autrefois il n’y avait dans les gorges d’Ollioules qu’un sentier pour les mulets et les piétons. Maintenant, grâce à Napoléon, les voitures trouvent là, comme au Simplon, une belle route soutenue par une maçonnerie presque romaine. Mes compagnons de voyage s’extasiaient sur celui qui a fait cette route ; moi je songeais à celui qui a fait ces montagnes. Quelle œuvre et quel édifice ! que d’ouvriers, qui ne sont pas aux ordres de l’homme, y travaillent encore sans relâche et tous les jours ! La pluie pourrit la roche, le torrent la ronge, le vent la pétrit, la cascade y creuse des cannelures, la racine de l’arbre y perce des soupiraux, le soleil dore le tout. Vis-à-vis d’un coude que fait le chemin, à un endroit où la route passe sous une demi-voûte taillée au pic dans la pierre vive, on voit de l’autre côté du ravin, à une hauteur très abordable, l’entrée d’une caverne profonde. C’est un porche ogival, flanqué à droite et à gauche de quelques ouvertures obstruées de roches, et surmonté d’une sorte de grande voussure presque régulièrement taillée dans la paroi perpendiculaire du mont. Cette sombre casemate, où l’œil s’enfonce et entrevoit des piliers bruts perdus dans l’ombre, parcourt toute la montagne comme un intestin et a, dans les endroits les plus sauvages, plusieurs issues connues des chevriers. Il y a quarante ans, Gaspard Bès en avait fait sa forteresse. […] Après la crypte de Gaspard Bès la route tourne encore. Ici la végétation est complètement effacée. On pénètre dans le cœur même de la déchirure. Une seconde gorge, plus petite que la première, mais plus horrible encore, se précipite perpendiculairement sur elle et ouvre au regard un abîme horizontal, plein de silence et pourtant plein de désordre et de fureur. Il y a des vacarmes pour l’œil comme pour l’oreille. De toutes parts, les épines dorsales des ravins sortent de dessous le lit du torrent et grimpent en se tordant vers le haut de la montagne. Si l’on avance un peu dans cette gorge secondaire, il semble que ce ne soient plus des roches ; ce sont des écailles, des squames, des ossements. On croirait voir un tas gigantesque de crocodiles morts, les uns gisant à plat ventre, la tête enfouie, les autres couchés sur le dos et tournant vers le ciel d’affreux tronçons de pattes et de mâchoires. Les Alpes n’ont rien de plus hideusement effrayant. Autrefois, il n’y a encore que dix ans, quand la chaîne partie de Paris, après vingt-cinq jours de marche sous la pluie et le soleil, était sur le point d’arriver à Toulon, traînant sur huit charrettes, avec un exécrable bruit de ferrailles, ses trois cents galériens épuisés, livides, horribles, elle s’arrêtait là pour se reposer. C’était bien une halte de damnés dans le vestibule de l’enfer.

À peine a-t-on franchi cette rencontre des deux gorges que la scène change brusquement. Comme Dante, comme Shakespeare, comme tous les grands poètes, le bon Dieu fait beaucoup d’antithèses et les fait admirables. En vingt pas, sans nuance, sans transition, comme si un mur se crevait tout à coup, de l’épouvantable on passe au charmant. Le défilé s’ouvre, la montagne s’évase, l’éclatante rade de Toulon surgit au milieu d’un paysage magnifique. Les gorges s’éclipsent, un éblouissement les remplace. Ici tout est soleil fécondant, verdure dorée, eau splendide, maisons, jardins, voiles gonflées, chant, murmure, vie et joie. À peine ai-je songé à remarquer un vieux château écroulé du douzième siècle, qui dresse ses trois tours à l’entrée méridionale des gorges comme un cerbère de granit. J’avais à ma droite un champ plein d’orangers, de jujubiers, de grenadiers entr’ouvrant leurs grenades mûres, des lilas en fleurs mêlés à des citronniers, des vignes courant dans les arbres ; à ma gauche, une maison blanche ombragée de deux palmiers. Les câpriers sortaient joyeusement du pied des murs ; une source abondante et gonflée se répandait hors du rocher au grand soleil comme un dégorgement de pierreries liquides.

2 – À propos du comportement irresponsable de beaucoup de motards sur la Route des Gorges (DN8)

Ci-dessous le lien d’une vidéo de juin 2022 montrant un motard roulant de manière dangereuse sur la Route des Gorges. La vidéo commence à Ollioules un peu après le croisement entre la DN8 et l’Avenue Barthélémy Dagnan et se termine à l’entrée de Sainte-Anne d’Évenos. Sur un forum consacré à la pratique de la moto, on peut lire de nombreux témoignages dans lesquels les auteurs se vantent de rouler à 100 km/h dans les Gorges d’Ollioules. Et dans un fil de discussion, un utilisateur du forum évoque même le fait que la DN8 est sa « route d’essayage ». Malgré la réalisation d’une bande cyclable le long de La Reppe, malgré la réalisation d’un trottoir allant du club canin jusqu’au croisement entre la DN8 et l’Avenue Barthélémy Dagnan, malgré la pose récente de deux panneaux pédagogiques à destination des motards près du Verger des Gorges (jardin aménagé autour de la noria située sur le terrain Piot), les excès de vitesse et dépassements à risque effectués par beaucoup de motards sur la Route des Gorges représentent un danger pour tous les usagers (cyclistes, piétons, automobilistes et motards eux-mêmes). De plus, au quotidien, les accélérations intempestives, les rugissements de moteur et les bruits d’explosion (dus bien souvent à une modification illégale du système d’échappement) pourrissent la vie des riverains qui habitent le long de la route et sur les collines environnantes. Cela ne peut pas continuer, même si bien sûr il ne s’agit pas de revenir à la situation décrite en 1839 par Victor Hugo 😉 ! À quand l’installation de radars sonores et de vitesse le long de la Route des Gorges ?

Une réflexion sur “Les gorges d’Ollioules

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