Les Celtes pensaient que pendant la nuit dite de Samonios ou de Samain (nuit du 31 octobre au 1er novembre), la frontière entre le monde des vivants et celui des morts était ouverte, et que les esprits rendaient visite à leurs proches. J’ignore si la tribu celto-ligure qui vivait sur une colline près de chez moi il y a plus de 2000 ans célébrait cette date. Mais cela m’a donné envie d’écrire, en forme de parpelada (clin d’œil), quelques mots en hommage à Gaston Beltrame (1932-1989), un artiste ollioulais, libertaire et occitaniste qui connaissait bien cette colline ainsi que l’oppidum qui la coiffait jadis. Nota bene : le texte est en occitan provençal suivi d’une traduction en français.

Una mostacha fremissenta,
Dos uelhs maliciós,
Es Gaston dins son jardin
Qu’assaja de tancar
Son aubre genealogic.

Una mostacha fremissenta,
Dos uelhs maliciós,
Es Gaston que perfend
Dins son quasernet de cants
Falocratas, capitalistas e capelans.

Una mostacha fremissenta,
Dos uelhs maliciós,
Es Gaston que nos cònta
L’istòria de Gaspard
E aquela de Martin.

Mai un jorn sorn de julhet,
Plus de mostacha fremissenta,
Plus d’uelhs maliciós.
Dins lei carreirons dau vilatge,
La votz de Gaston a finit de retronar.

Es plus qu’un ecò
Qu’ausèm ressonar feblament
De lòng dau beal,
Entre lei roïnas dau castèu
E dins lei còlas a l’entorn.

Per bonur, encuei, a aquest ecò
D’autras votz se mesclan
Per cantar tornamai
Lo soleu miegjornau, l’egalitat
E la java deis occitans.

Alora, quand tomba la chavana,
D’aut l’oppidum,
Clafit de vólha e d’estrambòrd,
Gaston se fa cascada.

Lo còr, la revòuta et lo pantai
En bandoliera,
Se gita dins la Repa,
Nos espocant de poesia.

Una mostacha fremissenta,
Dos uelhs maliciós,
L’òme-chin es totjorn vivent
E a totjorn pas de mestre.

Traduction : Une moustache frémissante, deux yeux malicieux, c’est Gaston dans son jardin qui essaye de planter son arbre généalogique. Une moustache frémissante, deux yeux malicieux, c’est Gaston qui pourfend dans son carnet de chants phallocrates, capitalistes et curés. Une moustache frémissante, deux yeux malicieux, c’est Gaston qui nous conte l’histoire de Gaspard et celle de Martin. Mais un jour sombre de juillet, plus de moustache frémissante, plus d’yeux malicieux. Dans les ruelles du village, la voix de Gaston a fini de gronder. Ce n’est plus qu’un écho qu’on entend résonner faiblement le long des Arrosants, parmi les ruines du château et dans les collines aux alentours. Par bonheur, aujourd’hui, à cet écho d’autres voix se mêlent pour chanter à nouveau le soleil du midi, l’égalité et la java des occitans. Alors, quand tombe la pluie d’orage, du haut de l’oppidum, plein d’entrain et d’enthousiasme, Gaston se fait cascade. Le cœur, la révolte et le rêve en bandoulière, il se jette dans la Reppe, nous éclaboussant de poésie. Une moustache frémissante, deux yeux malicieux, l’homme-chien est toujours vivant et il n’a toujours pas de maitre.