Même massives, les journées d’action éparpillées dans l’année (revendication après revendication et/ou région après région et/ou secteur après secteur et/ou entreprise par entreprise) sont rarement victorieuses.
Par contre, en bloquant l’économie de manière prolongée, nous pouvons instaurer un rapport de force décisif vis à vis de l’État et du patronat. C’est ce que permet la grève générale illimitée (dite aussi « reconductible »). Mais un tel mouvement se ne décrète pas en appuyant sur un bouton. Si les salarié·es – à la base et qu’ils/elles soient syndiqué·es ou pas – ne sont pas prêt·es à se lancer dans un tel mouvement, ce n’est pas l’appel incantatoire d’une organisation syndicale (quelle qu’elle soit) ou d’un parti politique (quel qu’il soit) qui fera avancer le schmilblick. Quant aux organisations syndicales, elles n’appelleront à la grève reconductible que poussées par la base. Alors allons-y, poussons ! Que les plus motivé·es d’entre nous montrent le chemin ! Une grève générale illimitée se répand par un effet « boule de neige ». Au début, elle peut ne concerner que les salarié·es de quelques entreprises. Mais si ces salarié·es arrivent à tenir ne serait-ce qu’une semaine et si leur lutte est popularisée, le mouvement est susceptible de faire tâche d’huile et de s’amplifier ; cette amplification étant indispensable car, pour avoir participé personnellement dans ma vie professionnelle à plusieurs grèves reconductibles dont une très longue (un mois et demi), je sais qu’une grève illimitée minoritaire est aussi inefficace qu’une grève de 24 heures massive). Bien sûr, en amont, les organisations syndicales doivent donner le signal qu’elles sont prêtes à soutenir un tel mouvement. Elles doivent aussi populariser l’idée de la grève générale illimitée. Actuellement, c’est ce que font beaucoup de militantes et militants syndicalistes (dont je suis). Mais ce n’est pas facile. Parmi les arguments tenus fréquemment par les collègues de boulot : celui des pertes de salaire importantes qu’implique un tel mouvement (malgré l’existence éventuelle ou la mise en place de caisses de soutien) et celui de la précarité (aujourd’hui, en France, quand un contrat de travail est signé, il s’agit dans 80% des cas d’un CDD et, par conséquent, en cas de velléité de faire grève, les patrons ne se privent pas de faire du chantage au ré-emploi). Autre chose : parmi les salarié·es les plus motivé·es par la grève générale illimitée, certain·es ont des réticences quant à une possible convergence avec les Gilets jaunes, reprochant à certains d’entre eux d’avoir une position ambiguë par rapport au patronat ou de se faire manipuler par l’extrême droite (d’où l’importance pour les GJ de clarifier leur positionnement de classe et d’être vigilant quant à la présence des fascistes, d’antisémites, de conspirationnistes ou de confusionnistes au sein de leur mouvement). Pour conclure cet article, rappelons que – dans le secteur privé (hormis quelques cas particuliers) – aucun préavis n’est nécessaire pour déclencher une grève et que, légalement, pas besoin non plus d’être syndiqué·e ou d’être couvert·e par un appel syndical (même si, à mon avis, c’est un plus). Quant à la Fonction publique, certains syndicats déposent des préavis sur des périodes permettant aux personnels qui le souhaitent de se mettre en grève quand ils/elles veulent et pour la durée qu’ils/elles veulent (par exemple, pour le mois de février 2019, voir le préavis déposé par l’Union syndicale Solidaires).