La grève doit avoir pour objectif la satisfaction de revendications d’ordre professionnel (amélioration des conditions de travail, du salaire…) ou moral (cessation des pratiques de harcèlement, respect de la non-discrimination…). Ces revendications peuvent dépasser le simple cadre de l’entreprise (grèves générales pour les salaires, les retraites, etc.). Cela dit, les grèves dont les revendications revêtent à la fois un aspect politique et un aspect professionnel (par exemple, grèves contre la politique économique et sociale du gouvernement) sont également licites. Quant aux grèves de solidarité (mouvements consistant pour certains salariés à faire grève afin de défendre les intérêts d’autres salariés), elles sont licites si les grévistes peuvent se prévaloir d’un intérêt collectif et/ou de revendications professionnelles les concernant directement.
Si la grève est limitée à une entreprise ou si les revendications sont exclusivement spécifiques à cette entreprise, elle doit réunir au moins 2 personnes de l’entreprise. S’il s’agit un mouvement dont les revendications vont au-delà du cadre de l’entreprise, on peut être le seul de son entreprise à faire grève.
La grève suspend le contrat de travail mais ne le rompt pas. L’employeur peut retenir sur votre paye la part du salaire correspondant à la durée de la grève mais il lui est interdit, à la suite d’une grève, d’opérer des discriminations en matière de rémunération ou d’avantages sociaux entre grévistes et non-grévistes.
Le droit de grève est reconnu et garanti par le préambule de la Constitution. Que vous soyez syndiqué·e ou non – et quels que soient votre secteur d’activité, votre statut, votre emploi, votre nationalité ou la taille de votre entreprise – vous avez le droit de faire grève, même s’il existe parfois des restrictions (voir ci-dessous).
PRÉAVIS OU ABSENCE DE PRÉAVIS ?
Dans les trois versants de la Fonction publique (d’État, territoriale et hospitalière), la législation impose un préavis de 5 jours francs avant la grève (même si, dans certaines circonstances, la grève spontanée est tolérée). Ce préavis est déposé par une ou plusieurs organisations syndicales dites « représentatives ».
Dans le secteur privé – sauf exception (voir ci-dessous) – le Code du travail n’impose aucun préavis légal. D’autre part, les syndicats (qu’ils soient ou non « représentatifs ») n’ont pas de rôle exclusif dans le déclenchement d’une grève. Leur intervention n’est nullement obligatoire même si, dans la pratique, il est fréquent que les organisations syndicales initient ou appuient le mouvement.
Dans les entreprises privées chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général, le Code du travail impose un préavis de 5 jours francs avant la grève. Ce préavis est déposé par une ou plusieurs organisations syndicales dites « représentatives ». Un décret d’application (D.134-1 du Code du travail) de la loi du 31 juillet 1963 cite les entreprises privées soumises au préavis de grève. D’autre part, il faut savoir que la jurisprudence fait une différence entre les salarié·es qui sont à la production ou qui sont en contact du public et ceux/celles qui ont une tâche administrative interne à l’entreprise (les premiers sont soumis au préavis, les autres pas).
SE DÉCLARER GRÉVISTE ?
Dans le secteur privé (hormis pour certaines entreprises ayant une mission de service public), aucune règle n’impose de prévenir l’employeur qu’on fera grève mais il peut être utile de l’en informer la veille pour qu’il prenne les dispositions qui s’imposent (annulation de rendez-vous par exemple). En tout état de cause, le jour même de la grève, pour ne pas être considéré comme ayant « abandonné votre poste », déclarez-vous gréviste (devant témoins si vous pensez que votre employeur est capable de vous faire un coup tordu à ce niveau-là). Et si vous voulez vous mettre en grève uniquement pour participer à la manifestation organisée ce jour-là, informez votre supérieur hiérarchique lorsque vous quittez votre poste (par exemple, si vous voulez quitter le travail à midi, prévenez-le que vous serez en grève de 14 à 17h précises).
Pour les enseignant·es des écoles maternelles et élémentaires en charge d’une classe, une déclaration individuelle d’intention de faire grève doit être envoyée à l’inspecteur de circonscription au plus tard 48 heures avant la grève, ceci afin de permettre aux municipalités de mettre éventuellement en place le « service minimum d’accueil » (SMA), obligation à laquelle elles sont soumises depuis la loi du 23/07/08 dès lors que le taux prévisionnel de personnes ayant déclaré leur intention de faire grève est supérieur ou égal à 25%. La personne qui fait cette déclaration d’intention sur la base d’un préavis de grève de plusieurs jours ou illimité n’est dans l’obligation de se déclarer qu’une seule fois, c’est-à-dire au début de la grève et cela quelle que soit sa durée. La loi du 23/07/08 ne pose donc pas d’obstacle à une grève reconductible.
Dans les entreprises de transports de voyageurs ayant une mission de service public, la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » (introduite aux articles L. 1222-1 et suivants du code des transports) – et élargie en mars 2012 au secteur aérien – instaure l’obligation pour les salarié·es d’indiquer 48 heures avant leur prise de service qu’ils/elles ont l’intention de faire grève. Elle oblige aussi les grévistes à indiquer 24 heures à l’avance le jour où ils reprendront le travail. Toutes les catégories de personnel ne sont pas concernées par la déclaration individuelle d’intention. À la SNCF, par exemple, seuls sont concernés les agents de conduite (à l’exception de ceux affectés à des roulements dédiés au fret), les agents d’accompagnement des trains et les agents des postes d’aiguillage.
LA DURÉE DE LA GRÈVE
Dans le secteur privé ainsi que dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, la grève peut être de courte durée (1 heure par exemple). La retenue sur salaire correspondra strictement à la durée de la grève.
Dans la fonction publique d’État, vous pouvez aussi ne faire grève que pendant 1 heure. Mais le retrait de salaire que vous subirez sera alors de 1/30e de votre salaire mensuel. Dans ses conditions, autant faire grève toute la journée !
Dans le secteur privé ainsi que dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, vous pouvez faire grève pendant 1 heure, 2 heures, etc… ou bien sûr toute la durée de votre journée de travail. La retenue sur salaire correspondra strictement à la durée de la grève.
LE SERVICE MINIMUM
Le service minimum n’existe que dans quelques domaines particuliers tels que le nucléaire, la santé, le contrôle aérien et les entreprises audiovisuelles ayant une mission de service public.
LA RÉQUISITION DES GRÉVISTES
Conformément à l’article L 2215-1 du Code général des Collectivités territoriales, le gouvernement et les préfets ont le pouvoir d’obliger des grévistes (salarié·es du secteur privé, agents du secteur public ou professions libérales) à reprendre le travail. Mais ces réquisitions doivent être motivées par le fait que la grève risque de porter une « atteinte grave à la satisfaction des besoins de la population ». Elles sont donc extrêmement rares. Néanmoins, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 « sur la sécurité intérieure » instaure le pouvoir de réquisition du préfet sur le personnel public de santé. Cette réquisition est une procédure écrite qui émane de l’autorité judiciaire (préfet, officier de police judiciaire, police nationale ou gendarmerie) et qui peut être utilisée dans le cadre de la grève des urgences de ville dans le but d’assurer la permanence des soins.
L’ASSIGNATION DES GRÉVISTES
Dans les hôpitaux publics, l’assignation émane de l’autorité administrative et relève de l’unique pouvoir du directeur de l’hôpital sous le contrôle du juge administratif. Elle a pour but d’assurer la permanence des soins en cas de grève.