Conte rouge et noir rédigé à 4 mains sur internet dans la soirée du 25 décembre 2002

chat-clin-d-oeil-animationJe viens de retrouver le texte reproduit ci-dessous dans le dossier archives de mon ordinateur. Il s’agit d’une succession de messages que se sont échangés il y a dix-neuf ans, un soir de Noël, quatre militant·es syndicalistes sur une liste internet de la Confédération nationale du travail (CNT). Cette écriture collective – non aboutie et à laquelle j’ai modestement participé – était totalement spontanée et n’avait pas d’autre intention que celle de passer un bon moment.

I – Quand ils ont commencé à s’attaquer au père Noël, je n’ai rien dit. Quand ils ont commencé à s’attaquer aux gens qui regardent des émissions de merde ou qui écoutent de la daube, je n’ai rien dit. Quand ils ont commencé à vouloir façonner ce qu’ils appelaient « L’Homme Nouveau », je me suis aperçu que je n’en étais pas un à leurs yeux… et je me suis retrouvé en camp de ré-éducation culturelle ! Variation sur le même thème : Il était une fois le pays des contes et des légendes ; un pays coupable aux yeux de la Révolution d’abriter en son sein des créatures anti-libertaires telles que pères Noël, princes, princesses, marâtres et loups mangeurs de petits enfants. Un commando d’épuration fut constitué à partir des éléments les plus purs de la CNT, fer de lance de la glorieuse révolution qui venait quelques temps auparavant de changer la face du monde et les mentalités du populo ignare et moutonnier qui le constitue. Ces anarcho-terminators furent envoyés au pays imaginaire. Aujourd’hui, les fils et filles du peuple sont libérées de toutes ces sornettes réactionnaires et obscurantistes… Il était une fois un militant anarcho-syndicalistes (AS) amoureux d’une militante syndicaliste révolutionnaire (SR). Ils ne se marièrent pas, militèrent âprement contre l’hydre étatique et capitaliste, et firent plein de petits militants ASSR.
Amicalement et clin d’œil à Anne,
Éric

II – Mais les elfes, Éric ! Les elfes rouges et noirs sont toujours là !!! Combattant les Schtroumpfs bleus et leurs flicaille de cybertrolls, les faisant reculer pied à pied (ça se voit pas très bien encore parce qu’ils ont des tout petits pieds, mais ça avance ; si si, enfin ça recule ; je t’assure, vu de dessus, on voit bien la différence, on mesure le terrain conquis). Souviens-toi du jour fameux où déjà nous saucissonnûmes le gros Raffarin Noël, que les Fourmis noires traînirent jusqu’à leur table de réveillon (gueuleton comme en vit jamais de mémoire de Fourmis noires, même qu’il y en eut qui s’étouffirent en essayant d’avaler le kapock de la fausse barbe sous laquelle ils voulaient tromper le petit peuple dit des « Lutins finals »). Variante : ILS ONT OSÉ ! Ben Laden a teint sa barbe en blanc !
À toi pour la suite…
Elfi

III – Dans le combat qui les opposait aux Schtroumpfs bleus, les elfes rouges et noirs avaient trois handicaps : leur couleur rouge, leurs grandes oreilles pointues et leur visage imberbe. Leur couleur écarlate les empêchait, les jours de pleine lune, de décorer en tout quiétude les murs bleus de la cité. Leurs longues oreilles pointues, si elles leur permettaient de pirater les télécommunications secrètes des Schtroumpfs bleus, en faisaient néanmoins des proies faciles pour les Compagnies schtroumpficaines de sécurité qui n’hésitaient pas à les attraper par ces extrémités comme de vulgaires lapins. Quant à leur visage imberbe, il faisait l’objet d’une grande frustration de la part des éléments les plus purs d’entre eux (ceux dont les idoles, lors de la genèse du Mouvement, avaient tous arboré une pilosité faciale importante) ; une frustration qui bien sûr fragilisait grandement leur combativité (c’est fragile psychologiquement un elfe rouge et noir). Afin de remédier à ces trois handicaps majeurs, certains elfes rouges et noirs avaient déjà pris le parti de muter. On pouvait en rencontrer quelques centaines à la fac de Nanterre, rue des Vignoles ou à la Redoute. Ils marchaient à quatre pattes (pour mieux raser les pavés et filer sous le nez des Schtroumpfs), leur corps était recouvert de poils noirs et la taille de leurs oreilles avait diminué de moitié. Ces Elficats, comme on les appelait, préfiguraient peut-être l’avenir de la Révolution…

IV – Mais les Elficats se rendirent rapidement compte que la marche à quatre pattes, si elle permettait de se déplacer rapidement et d’échapper aux flikotrolls des Schtroumpfs bleus en se faufilant entre leurs jambes (qu’ils avaient épaisses, grasses et molles à force de rester tout le temps assis), était un nouvel handicap. En effet, comment transporter pot de colle, pinceaux, tracts et bombes de peinture, comment décorer les murs de la cité si vous êtes obligés de marcher sur les mains ? Une brève tentative de muter en mouches (sur les six pattes, on pouvait peut-être retrouver deux mains) s’avéra un cuisant échec. Néanmoins, un groupuscule d’Elfimouches décidèrent de poursuivre l’expérience et firent scission, essayant d’adopter le rite de la mouche qui, bien postée sur ses quatre pattes de derrière, se frotte les deux de devant avant d’attaquer la confiture (elle devrait évidemment se les frotter après, mais c’est bête une mouche). Toujours est-il que cela se révéla peu concluant, force étant de reconnaître que quatre pattes, de toute façon, ça ne libère pas forcément des mains, surtout pour courir avec des pots de colle. Les Elfimouches, reclus dans un petit groupe très secret et qui se vouait volontiers à l’hermétisme (groupe dit « AIT » : Athanor Invisible Terrorist), s’emmêlaient régulièrement les pattes et les pinceaux dans la colle, ce qui finit par immobiliser dommageablement et durablement leurs initiatives. La lutte était rude, et les Elficats, la rage au cœur, voyaient qu’ils perdaient peu à peu du terrain… La misère se multipliait et rien ne semblait pouvoir enrayer la voracité des Schtroumpfs bleus et de leur brigade spéciale de sinistre mémoire, le Medef (Murder elementary democratic by everything fuck) que nul n’égalait en cruauté. Ce fut dans l’an II après JC* que la déflagration sociale générale vit la situation changer du tout au tout pour les Elficats…

* Jack Chirak : chef mafieux et retors des Schtroumpfs bleus ayant obtenu les pleins pouvoirs en l’an 2002 par une honteuse manipulation dite « élections piège à cons » qui consistait à obliger le peuple à voter pour lui (N.D.R. : Voter, action collective qui en ces temps barbares consistait à ce que chacun vide sa vessie dans des urnes dont le fond était percé ; à ne pas confondre avec Manifestation, action collective elle aussi mais où on porte des ballons qui eux sont gonflés d’air).

V – Depuis un certain temps, déjà, les Elficats se rendaient compte que les Schtroumpfs bleus les attendaient au tournant, tout simplement parce que chaque tournant était précédé d’une ligne droite, dite également « ligne juste. » Certains Elficats, gonflés, et pas simplement de leur propre importance, décidèrent d’abolir non pas « la droite », ce qui aurait eu pour effet symétrique d’imposer « la gauche », mais tout simplement l’idée même de « droite », c’est à dire de « juste ». En gros, plus de ligne. Ni droite, ni juste, ni courbe. Donc, plus de tournants. Donc, plus d’embuscades au tournant. Piégés, les Schtroumpfs bleus ! Les Elficats n’empruntaient plus les routes. Par exemple, à l’omnibus République-Bastille, ils préféraient les ruelles. Lorsque des Schtroumpfs bleus, arrogants, leur demandaient leurs papiers, ils exhibaient un rouleau parfumé Lotus. Bien obligés de travailler parce qu’on leur avait pris leurs outils, leurs ateliers de fabrication de tissu, de mocassins en peau de licorne, leurs usines de toutes sortes, ils manifestaient systématiquement leur « mauvais esprit ». C’est à dire qu’ils en faisaient, de l’esprit. Ils en fabriquaient. Pour leur propre compte. Ça a fini par se savoir. Forcément. Ça pris un certain temps, mais petit à petit…

VI – Mais c’est alors que… damned !!! Les Schtroumpfs bleus, hébétés de se voir sur le point d’être vaincus et s’asseyant sur leur fierté (qu’ils avaient pourtant pointue), firent appel à l’United stranger imperium (USI), en désespoir de cause, pour vaincre les Elficats. Armés d’une nouvelle arme terrible que les USI leur cédèrent contre la tête de José Bové (grand fantaisiste de l’époque, sorte de Robin des Bois farceur qui nous a laissé, entre autre, la berceuse « Goûte à mon rock, il est fort »), ils commencèrent à organiser la déportation des Elficats. Le peuple des Lutins pleurait et se mettait son chapeau devant la figure en signe de deuil lorsqu’il voyait passer devant lui les étranges cortèges. Alors, évidemment, ils ne voyaient plus rien et, bien sûr, rataient les marches. Nombreux furent ceux qui mourirent…

VII – Mais petit à petit, l’esprit des Elficats a commencé à intriguer. Un Schtroumpf bleu qui habitait justement près de Bastille, avait repéré un·e* elficat qui, tous les matins, se faisait contrôler et ne semblait pas s’en formaliser mais, au contraire, cherchait à provoquer le contrôle. Le Schtroumpf CA 69 (c’était son nom car il appartenait à la brigade des Contrôleurs aliénants du quai de J. (qui portait le numéro 69 depuis que tous les lieux avaient été numérotés pour plus de commodité et toujours dans l’utopie directrice de la Mort de la Culture -MC- décidée en 2002 par le Conseil Suprême de la Maison bleue) était de service ce matin-là…

* Question aux auteurs et autrices : les elficats sont-ils sexués ?

******************

C’est sur cette question à laquelle personne n’a répondu que s’arrête prématurément ce conte rouge et noir rédigé à quatre mains sur une liste internet de la CNT, il y a dix-neuf ans dans la soirée du 25 décembre 2002.

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