Trois mots liés à l’histoire de la Provence et plus généralement de l’Occitanie. Trois mots au contenu politique très fort et toujours actuel…

La Bèla / La Bòna

En Provence, des années 1830 (lors de la montée de l’idée socialiste et de la formation des chambrées, lieux de socialisation des citoyens à l’échelle communale) jusqu’à la fin du XIXe siècle, la Bèla et la Bòna sont les surnoms que le peuple de gauche donnait à la « vraie République », celle qu’il appelait de ses vœux, à savoir une république sociale et démocratique (à l’instar de la vignette reproduite ci-dessus), un régime politique très éloigné du modèle promu puis mis en place par les républicains modérés.

L’usage du terme « La Belle » (La Bèla en provençal) est attesté par l’historien Jean-Marie Guillon. Voir par exemple le numéro hors-série de Courrier scientifique (publication du Parc naturel régional du Verdon) paru en juin 2012 et ayant pour thème le soulèvement républicain de 1851. À la page 7, Jean-Marie Guillon y écrit : Le peuple démocrate attend […] les élections de 1852 pour qu’enfin la « Belle » – la vraie République – triomphe.

Concernant le terme « La Bonne » (La Bòna en provençal), le linguiste en domaine d’Oc et spécialiste de la toponymie occitane Gérard Tautil m’a expliqué l’avoir rencontré régulièrement dans ses lectures (par exemple dans les chroniques ollioulaises de Gaston Beltrame).

Si les deux termes ont cohabité, le terme La Bòna semble avoir été d’un usage plus courant. D’ailleurs, de nos jours, alors que le mot « république » (qui étymologiquement signifie « chose publique ») est de plus en plus vidé de son sens par les tenants du libéralisme économique, le terme La Bòna est toujours utilisé par certain·es militant·es occitanistes.

La convivéncia

Les chercheurs qui étudient l’histoire de l’Occitanie au Moyen Âge utilisent le mot convivéncia pour désigner la notion de « bien vivre ensemble » qui caractérisait en partie les sociétés occitanes, Provence inclue, avant la période des croisades. Ce mot est différent du mot coexisténcia qui, comme en français, peut impliquer une indifférence mutuelle des protagonistes. La convivéncia (du verbe conviure, c’est à dire viure ensems e ben) désigne la capacité d’une population vivant dans un environnement de diversité sociale et culturelle à partager harmonieusement leur lieu de vie. Bien sûr, contrairement à une vision idéalisée ou mythifiée ayant pour but d’invisibiliser les rapports de domination et d’exploitation au sein des sociétés occitanes, la convivéncia n’a jamais signifié l’absence totale de conflits sur le plan social, économique, politique ou religieux.

Aujourd’hui, le mot convivéncia est utilisé par de nombreuses associations occitanistes pour mettre en avant les valeurs qui leur sont chères : respect des différences, accueil des autres, convivialité, échanges, écoute, partage, laïcité, solidarité, coopération.

PS : Suite à la parution de cet article, un ami occitaniste m’a signalé l’existence d’un livre d’Alem Surre Garcia consacré au concept de convivéncia. Ci-dessous le résumé, la couverture et les caractéristiques techniques de ce livre…

Le concept de Convivéncia commun aux cultures castillane, catalane, portugaise et occitane, et repris depuis les années 1980 par le milieu associatif occitan, bénéficie aujourd’hui d’un intérêt croissant auprès du grand public et des institutions. Mais d’où vient ce concept ? D’où parle-t-on, de quel lieu ? De quels recoins de l’Histoire ? Quel intérêt pour notre société contemporaine ? Sur quelles pratiques culturelles et sociales s’appuie-t-il ? Que dit La Convivéncia de plus que la tolérance et la laïcité ? Existe-t-il une pédagogie de la Convivéncia ? Ce guide se propose de répondre à ces interrogations. Il ouvre des pistes de réflexion inhabituelles. Face à la montée des négationnismes de toutes sortes, face aux totalitarismes religieux ou laïques visant à rejeter toute altérité, face au déclinisme ambiant, La Convivéncia entend participer à la refondation de notre société : le chantier est ouvert.

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La Convivéncia – Auteur : Alem Surre Garcia – Éditeur : Tròba Vox – Collection : Votz de Trobar – Date de parution : 08/12/2023 – Nombre de pages : 286 – Prix : 15 € – EAN : 9791093692593 – ISBN : 979-10-93692-59-3