Courant juin, sur injonction ministérielle, plusieurs centaines d’enseignant·es réparti·es sur 9 départements ont été fortement incité·es à participer à une « expérimentation pédagogique » consacrée à l’apprentissage de la lecture en GS, CP et CE1. Cette « expérimentation » consiste en l’obligation pour les enseignant·es d’utiliser des outils fournis par une association dénommée « Agir pour l’école ». Cette association est dirigée par Claude Bébéar (ancien PDG d’AXA) et par Laurent Bigorgne (président de l’Institut Montaigne, un think-tank ultralibéral). Elle est financée par des entreprises privées telles que AXA, Société Générale, Dassault, HSBC, etc. (voir la liste des sponsors sur le site de l’association) et Jean-Michel Blanquer – l’actuel ministre de l’Éducation nationale – est réputé en avoir été membre (pour en savoir plus à ce sujet, cliquer ici).
Dans le département du Nord, cette « expérimentation pédagogique » va concerner 102 classes de CP. En voici la liste, commune par commune :
- Lille : école Bracke-Desrousseaux (3 CP), école Painlevé (4), école Littré (2)
- La Sentinelle : école Joliot-Curie (3 CP)
- Valenciennes : école Siméon Cuveillier (5 CP), école Saint-Exupéry (2), école Jean Mineur (3)
- Roubaix : école Gambetta (3 CP), école Quinet-Bert (5), école De Serres-Carette (4), école Buffon (4), école Brossolette (3), école Marlot (3), école Boileau-Pasteur (4)
- Denain : école Zola (4 CP), école Diderot (10), école Descartes (4), école Michelet-Chaptal (4)
- Wavrechain-sous-Denain : école Thorez (2 CP)
- Lourches : école Sévigné-Macé (5 CP)
- Roeulx : école Langevin (4 CP)
- Maubeuge : école Pagnol (2 CP), école Debussy (3), école Victor Hugo (3), école Ferry (2), école Brassens (3), école Corneille (4), école Lamartine (3), école Mabuse (2)
À ce jour, dans le département du Nord, aucun protocole n’a été signé entre l’association « Agir pour l’école » et la rectrice ou le directeur académique des services de l’Éducation nationale (DASEN), ce qui est très inquiétant pour la qualité et l’indépendance du service public d’éducation. D’autre part, la façon dont l’opération a été montée est scandaleuse. Le Ministère de l’Éducation nationale l’a d’abord imposée au DASEN. Puis, celui-ci a choisi les IEN (inspecteurs/trices de l’Éducation nationale) chargé·es de l’impulser dans leur circonscription. Enfin, ces IEN ont désigné les enseignant·es chargé·es de la mettre en pratique dans leur classe. Bien que ces enseignant·es n’aient été au courant ni de la forme ni des contenus de « l’expérimentation », beaucoup d’entre eux et d’entre elles, soumis·es à la pression de leurs IEN, n’ont pas osé refuser. À ce propos, la volonté du Ministère de remettre en cause la liberté pédagogique des enseignant·es (garantie par l’article L912-1-1 du Code de l’Éducation) est inadmissible. Vouloir uniformiser totalement la pédagogie en imposant par la contrainte telle méthode de lecture ou tel manuel constitue une négation du savoir-faire et de l’expertise professionnelle des enseignant·es dont le travail serait réduit à des automatismes normés. Pire, le 3 juillet à Calais, plusieurs élèves de maternelle ont été obligés de passer des évaluations pendant plus d’une heure avec une personne inconnue issue de l’association « Agir pour l’école », ceci sans concertation ni accord de l’équipe enseignante (qui n’a même pas pu prévenir les parents) !
Concernant les méthodes pédagogiques promues par « Agir pour l’école », elles sont contestables (voir par exemple le rapport publié en 2012 par l’inspection générale de l’Éducation nationale). Contrairement à ce qu’affirme l’association, il n’y a aucune preuve scientifique de la réussite de ces méthodes (autre que des progrès très ponctuels dans des compétences faisant l’objet d’entrainements intensifs).
Début juillet, plusieurs organisation syndicales ont écrit au ministre (voir ici) afin de lui rappeler les obligations de l’institution en terme de respect de la liberté pédagogique des enseignant·es. Dès la rentrée de septembre 2018, elles soutiendront les enseignant·es qui refuseront de participer à l’opération menée par l’association « Agir pour l’école ». Quant aux parents des élèves concerné·es, espérons qu’ils/elles n’accepteront pas que leurs enfants soient les cobayes d’une officine privée.