Un article paru dans le n°5 (automne 2022) de Fragments – revue de littérature prolétarienne éditée par le Cercle culturel de littérature ouvrière, paysanne et sociale – a retenu toute mon attention et éveillé en moi quelques souvenirs d’enfance. Cet article de Fragments est consacré à Jules Mousseron (1868-1943), mineur de fond à la Compagnie des mines d’Anzin (près de Valenciennes dans le Hainaut) et poète de langue picarde particulièrement connu pour avoir créé le personnage populaire, baratineur et frondeur de Cafougnette, mineur de fond à Denain. À l’instar de Christian Lemoine (l’auteur de l’article paru dans Fragments), les histoires de Cafougnette ont bercé mes jeunes années. Par forcément sous la forme des 60 textes rimés que Jules Mousseron a écrit de 1896 à 1943, mais plutôt sous la forme de blagues racontées en français (ou en picard fortement francisé) à partir des textes de Mousseron ou, le plus souvent, inventées de toutes pièces. Dans ma prime enfance, Cafougnette est donc l’équivalent de personnages comme Toto, Marius ou Tartarin de Tarascon. Mais, selon les gens qui les racontaient, ces blagues pouvaient avoir, comme les textes de Mousseron, une autre fonction que celle de faire rire : celle de faire réfléchir ! C’est ainsi que Christian Lemoine dans son article paru dans Fragments écrit : « Mon grand-père se servait de la gouaille et des pitreries du héros pour m’inventer des histoires drôles, « viens ichi tiot, té va rigoler, j’va t’raconter un’bonne histoire de Zeph Cafougnette ». Elles avaient toujours pour objectif de m’enseigner une valeur morale. Il m’a ainsi inculqué, dans la bonne humeur, l’antiracisme, le partage, la camaraderie, le respect des autres et surtout m’a éveillé à l’esprit critique. On peut considérer que je suis un peu redevable de mon éducation et de mes convictions à Jules Mousseron et à son Cafougnette. Ce dernier est devenu un véhicule de la pensée pour porter les valeurs ouvrières des gens du Nord, une auberge espagnole où chacun vient y déposer ses bonheurs, souffrances et doléances ».
C’est en 1976, à l’âge de 15 ans, que je découvre le Cafougnette d’origine et les autres textes de Mousseron. Jean Dauby – poète valenciennois dont l’œuvre littéraire est marqué par l’épreuve des camps de prisonniers durant la seconde guerre mondiale, historien de la langue picarde et spécialiste du rouchi (la forme valenciennoise du picard) – vient de rééditer À l’ducasse de Jules Mousseron. Mon père (dont le grand-père a été mineur à Cuvinot près d’Onnaing) propose de m’acheter ce livre ainsi que Tout Cafougnette et À l’fosse (textes de Jules Mousseron réédités en 1974 et 1975 par Jean Dauby). Tout Cafougnette n’étant plus disponible en librairie, mon père téléphone à Jean Dauby. Celui-ci nous invite à passer chez lui à Famars (près de Valenciennes) et c’est de ses mains que je reçois les trois recueils (Tout Cafougnette, À l’fosse et À l’ducasse) qui vont me faire découvrir véritablement l’œuvre de Jules Mousseron.
Quelques années plus tard, après avoir participé à la création d’un groupe communiste libertaire à Valenciennes et suite à la décision prise en 1980 par ce groupe de publier une petite feuille d’information, je ne serai pas pour rien dans le choix du titre (voir ci-dessous) ! 😉
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