1) LA CHANSON DE CRAONNE
La chanson de Craonne, du nom du village de Craonne (département de l’Aisne), est une chanson écrite en 1915 (de manière anonyme, ceci afin d’échapper à la répression exercée par l’État à l’encontre des soldats osant critiquer leur commandement). Le deuxième couplet et le refrain final (voir les paroles sous la fenêtre vidéo) possèdent un caractère profondément anticapitaliste et révolutionnaire. Interdite par le commandement militaire mais diffusée de manière clandestine, elle fut chantée par des soldats français entre 1915 et 1917 sur l’air de Bonsoir m’amour (romance composée quelques années auparavant par Charles Sablon). Le titre et les paroles ont plusieurs fois été modifié·es. Au début de la guerre, la chanson évoque la bataille de Notre-Dame de Lorette à Ablain-Saint-Nazaire (Pas-de-Calais). En 1915, elle est transformée pour évoquer la bataille de Champagne. En 1916, elle évoque celle de Verdun. Enfin, en 1917, c’est le plateau de Craonne qui est mentionné, une mention qui préfigure les mutineries faisant suite à l’offensive meurtrière menée au Chemin des Dames par un « boucher » dénommé le général Nivelle.
Paroles :
Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé,
On va r’prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là-haut en baissant la tête.
Refrain n° 1 :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C’est nous les sacrifiés !
C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
[reprise du refrain n° 1]
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
Refrain final :
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !
2) LA BUTTE ROUGE
La butte rouge est une chanson écrite en 1923 par Montéhus sur une musique de Georges Krier. Elle fait référence à la butte Bapaume, un endroit situé près du petit village de Berzieux (Marne) où en décembre 1914 les autorités militaires de l’époque sont responsables d’un carnage qui aurait pu être évité. Comme la chanson présentée précédemment, La butte rouge affirme une profonde conscience de classe. Extrait des paroles : C’qu’elle en a bu des larmes cette terre / Larmes d’ouvriers et larmes de paysans / Car les bandits qui sont cause des guerres / Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !
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