Mémoire sociale de Toulon & La Seyne : biographie d’Antoine Martinez

martinez-antoine-dit-titine-en-1986-a-toulonLe mouvement libertaire varois a compté dans ses rangs des militant·es dont le parcours mérite qu’on s’y attarde. Tel est le cas d’Antoine Martinez, plus connu sous le surnom de Titine…

De nationalité française, Antoine Martinez naît en 1917 à Oran (Algérie). Il travaille sur le port quand, le 19 juillet 1936, il apprend le coup d’État nationaliste mené en Espagne par le général Franco. Il part aussitôt comme volontaire pour combattre sur le front de l’Ebre dans une colonne de la CNT-FAI. Lors des évènements de mai 1937, il se trouve à Barcelone. Il est arrêté par les staliniens et emprisonné pendant 6 mois dans des prisons plus ou moins clandestines. Suite à l’intervention du consul de France à Barcelone, il est libéré laissant derrière lui de nombreux autres compagnons toujours emprisonnés (cette tragédie le conduira à éprouver une grande amertume et une forte hostilité vis-à-vis des tenants du marxisme-léninisme).

Antoine Martinez retourne en Algérie à la fin de la guerre d’Espagne. Domicilié 3 rue du Champ de Mars à Oran, il est militant à Solidarité internationale antifasciste (SIA). Il est aussi sans doute le Martinez signalé par Le Combat syndicaliste du 16 septembre 1938 comme membre du syndicat intercorporatif CGT-SR d’Oran.

Au début des années 1940, il est membre d’un réseau de résistance qui fait passer au Maroc plusieurs antifascistes italiens (républicains, socialistes et anarchistes) recherchés par les commissions d’armistice italienne et allemande. À ce propos, le 14 mai 1982, le militant socialiste Léo Valiani lui envoie l’attestation suivante :

Je soussigné Léo Valiani, né à Fiume […], sénateur de la République italienne, j’affirme sur mon honneur qu’au début de 1941, monsieur Antoine Martinez […] qui demeurait alors à Oran (Algérie), étant antifasciste depuis toujours et réfugié politique en Algérie depuis la fin de la guerre d’Espagne, conduisit, avec d’autres antifascistes français ou réfugiés, jusqu’à la frontière entre l’Algérie et le Maroc, et la fit passer, sans se soucier des risques qu’il courait, un groupe d’antifascistes italiens recherchés par la Commission d’armistice instituée par le gouvernement fasciste de Rome en France. J’étais de ce groupe d’émigrés avec monsieur Alberto Cianca, secrétaire de la Ligue italienne des droits de l’Homme en France. Nous nous étions échappés en Algérie pour éviter la demande d’extradition présentée, à notre charge, par le gouvernement fasciste italien. Grâce au dévouement et l’esprit de sacrifice du résistant Antoine Martinez et de ses camarades, nous avons pu nous soustraire à la déportation en Italie fasciste et nous rendre au Maroc d’où nous avons pu prendre un bateau pour l’Amérique. Cela me rendit possible de rentrer en Italie en septembre 1943 avec les armées alliées et de participer à la résistance italienne dans les rangs de laquelle je devins membre du Comité central de libération nationale de l’Italie du nord.

En 1944 et 1945, Antoine Martinez diffuse le journal franco-espagnol Libre Examen publié à Oran par un groupe portant le même nom.

En 1947, il est membre du groupe anarchiste d’Oran.

En 1962, à la fin de la guerre d’Algérie, Antoine Martinez s’installe à la Seyne-sur-Mer où il travaille comme ouvrier métallurgiste à l’usine La Provençale.

En 1965, il adhère au Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA) de Marseille.

En 1976, il est l’un des fondateurs du groupe FA (Fédération anarchiste) de la région toulonnaise. Il participe à l’organisation à La Valette-du-Var d’un congrès national de la FA. À Toulon, chaque samedi, dans l’ancienne caserne Lamer, il tient les permanences du groupe FA. Parallèlement, il est membre du Cercle Jean Rostand de la Libre pensée toulonnaise où il combat la main-mise des trotskistes lambertistes. À la Seyne, il anime le Cercle libertaire seynois qui se réunit au centre culturel de la rue Jacques-Laurent et il n’hésite pas également à fréquenter le Cercle des travailleurs où se réunissent les socialistes seynois. Un de ses enfants, Ulysse, est l’auteur d’un mémoire d’histoire sur l’histoire de l’anarchisme dans les Alpes-Maritimes au début du XXe siècle.

Radio-trottoir_Toulon_1978À l’automne 1978, il participe avec Gérard Blain, Bruno Nappi, Vincent Tortora et Yves Bellec (entre autres) à la création de Radio Trottoir, une radio libre anarchiste émettant clandestinement à partir du mont Faron. Comme beaucoup de radios libres de cette époque, cette radio subira la répression. C’est ainsi que plusieurs de ses animateurs et techniciens (dont Antoine Martinez) sont interpelés par la police et inculpés pour violation du monopole d’État sur la radiodiffusion et que l’un d’entre eux (Gérard Blain) est condamné le 21 janvier 1980 à quatre mois de prison avec sursis.

affiche-fete-libertaire_16-juin-1979-Ollioules-VarEn 1979, sur le domaine des Francas à Ollioules, Antoine Martinez est l’un des artisans d’une fête libertaire durant laquelle se produisent différents artistes locaux (comme Gaston Beltrame) ou non locaux (comme Serge Utgé-Royo) et qui réunit plus de 700 personnes. En 1980, il co-organise au même endroit une autre fête qui, elle aussi, est un succès.

Au cours des années 1980, il continue de participer activement aux activités du mouvement libertaire toulonnais (voir les deux exemples ci-dessous).

En 1994, alors qu’il projetait d’organiser un groupe FA à La Seyne, il est victime d’une attaque et il doit cesser tout militantisme. Il meurt en juin 1999. Ses archives sont confiées au groupe FA de la région toulonnaise puis données en 2002 au CIRA de Marseille afin d’y constituer un fonds Antoine Martinez.

Selon le témoignage d’un militant anarchiste de la région toulonnaise publié en février 2002 dans Le Poulpe (bulletin de liaison du groupe Libertad), rencontrer Antoine Martinez a été déterminant pour de nombreux jeunes. « Ce fut mon cas en avril 1979 alors que j’étais âgé de 16 ans » écrit ce militant. « Il m’avait ouvert une armoire remplie d’ouvrages… et de me dire avec son accent espagnol rocailleux : < C’est bien de se dire anarchiste mais encore faut-il savoir ce que l’on défend, connaître les idées. Alors lis ! >. Et de me souvenir qu’il avait glissé entre mes mains les Propos subversifs de Sébastien Faure, le grand penseur libertaire qu’il avait eu l’occasion de rencontrer en 1936 sur les Ramblas à Barcelone« .

Sources : Dictionnaire des militants anarchistes et Le Maitron (dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social)

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