De passage dans le Vaucluse, une amie provençale m’a emmené à Lourmarin sur la tombe toute simple mais très émouvante d’Albert Camus. L’occasion de redécouvrir – via une recherche rapide sur internet – la sensibilité libertaire de cet écrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français. Ci-dessous un extrait du dossier de presse diffusé lors de la parution du livre « Albert Camus et les libertaires » (éditions Égrégore, 2008) :
L’action d’Albert Camus aux côtés des anarchistes a longtemps été occultée par les chroniqueurs, pour ne pas dire les censeurs. Bien que Pied-noir, Camus a été l’un des premiers à dénoncer le colonialisme français et à soutenir les Algériens musulmans dans leur volonté d’émancipation culturelle et politique, tout en émettant de très sérieuses réserves sur le FLN qu’il jugeait trop autoritaire et centraliste. Sa vive sympathie pour le mouvement libertaire n’aida pas à apaiser les critiques. De nombreux indices illustrant son attachement à la tradition anarchiste parsèment ses écrits, pièces de théâtre, essais et romans. Pour ne parler que de lui, L’Homme révolté résonne comme une véritable profession de foi. L’ouvrage s’inscrit dans une problématique purement libertaire. Comment faire la révolution en évitant le recours à la terreur ? Dans les années 1940 et 1950, Camus entretiendra des liens étroits avec les responsables de journaux anarchistes, francophones ou non. Parmi eux, Rirette Maîtrejean (coéditrice du journal L’Anarchie), Maurice Joyeux et Maurice Laisant (du Monde libertaire), Jean-Paul Samson et Robert Proix (de la revue culturelle et antimilitariste Témoins), Pierre Monatte et André Rosmer (de La Révolution prolétarienne), Louis Lecoin (de Défense de l’homme et de Liberté), Gaston Leval et Georges Fontenis (du Libertaire), Giovanna Berneri (veuve de l’anarchiste Camillo Berneri assassiné à Barcelone, du journal italien Volontà), José Ester Borràs (du journal espagnol Solidaridad Obrera)… Camus avait aussi des contacts avec des journaux anarcho-syndicalistes suédois (Arbetaren), allemand (Die freie Gesellschaft) et latino-américain (l’Argentin Reconstruir). Les interventions d’Albert Camus aux côtés des anarchistes sont nombreuses. Il soutenait par exemple l’antimilitariste Maurice Laisant lors du procès fait aux Forces libres de la paix qui étaient poursuivies pour leur lutte contre la guerre d’Indochine. « Il me semble impossible que l’on puisse condamner un homme dont l’action s’identifie si complètement avec l’intérêt de tous les autres hommes. Trop rares sont ceux qui se lèvent contre un danger chaque jour plus terrible pour l’humanité », plaida-t-il devant un tribunal sourd à ses arguments. Le compte-rendu de l’audience fut publié en février 1955 dans Le Monde libertaire. Camus était présent dans les meetings et manifestations organisés par les libertaires contre la répression en Espagne ou dans les pays de l’Est (à Berlin-Est en 1953, à Poznan et à Budapest en1956). « Le monde où je vis me répugne, mais je me sens solidaire des hommes qui y souffrent », disait-il. Auteur d’articles publiés dans Le Libertaire et dans Le Monde libertaire, Camus était également très proche des syndicalistes révolutionnaires de La Révolution prolétarienne avec qui il fonda les Groupes de liaison internationale (GLI) qui aidaient les victimes des régimes totalitaires, staliniens et franquiste notamment. La situation en Espagne était au cœur de ses préoccupations. Dans Le Libertaire du 26 juin 1952, il publia un texte pour exposer les raisons de son refus de collaborer avec l’UNESCO où siégeait un représentant de l’Espagne franquiste. Quand Louis Lecoin lança, en 1958, sa campagne pour l’obtention d’un statut pour les objecteurs de conscience, Albert Camus était toujours là. Membre du comité de secours aux objecteurs aux côtés d’André Breton, de Jean Giono, de Lanza del Vasto, de l’abbé Pierre, il rédigea le projet de statut et participa activement à la campagne qui aboutira, en 1963, par une victoire qu’il ne verra pas. Homme révolté, insoumis, admirateur de Gandhi, Camus milita contre tous les terrorismes et imprégna de non-violence son idéal libertaire. « Ni victimes ni bourreaux… ».
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