J’ai quitté mon valenciennois natal, son patois rouchi, ses terrils, ses coulonneux, ses histoires de Cafougnette et ses chemins de contrebande entre France et Belgique. J’ai quitté les groseilliers de mon enfance, les hauts-fourneaux d’Usinor, le carillon de Saint-Amand, les remparts de Le Quesnoy, les oflettes de mon oncle Alfred et le bistrot onnaingeois dans lequel mon grand-père anarchiste organisait des conférences. J’ai quitté les quartiers populaires de Roubaix où j’ai travaillé dans les années 1980 comme éducateur de rue, médiateur culturel et animateur social. J’ai quitté les pavés de Lille, les courées de Fives et la rue Denis du Péage où je me suis installé en 1987 pour fonder le centre culturel libertaire « Benoit Broutchoux ». J’ai quitté Villeneuve d’Ascq, son quartier du Pont de Bois (où ma fille Chloé a fait ses premiers pas), sa superbe collection d’art brut, ses lacs et l’une de ses fameuses écoles à aire ouverte : le groupe scolaire Jacques Prévert (dans laquelle j’ai enseigné de 2003 jusqu’à mon départ à la retraite). J’ai quitté ma petite maison de l’impasse Vandemeulebrouck à Hem (où j’ai vécu de juin 1997 à juin 2020), ses murs de briques blanchies à la chaux, son lambris de chêne, ses fougères, ses rosiers, son cèdre bleu. J’ai quitté mes voisins, leur sens de la solidarité et leur fameuse baraque à frites. J’ai quitté ma sœur et son arche de Noé. J’ai quitté mes excellents camarades de la CNT 59/62. J’ai quitté mes non moins excellents camarades de SUD éducation Nord et de l’Union syndicale Solidaires 59. J’ai quitté une bourse du travail construite sur les ruines d’une usine où travaillait le militant ouvrier qui en 1888 a composé la musique de L’internationale. J’ai quitté la Flandre, ses géants, ses estaminets, ses beffrois, ses kermesses, ses houblonnières, ses dunes de sable, ses marais et son Mont des Cats sur les pentes duquel mon regretté ami, le barbe Ghislain Gouwy, aimait me raconter les dits de son pays, le Westhoek.
Après 59 ans passés dans le département du Nord (d’abord dans le Hainaut puis en Flandre), me voici en Provence entre Marseille et Toulon, à deux pas d’un oppidum celto-ligure, sur le tracé du GR 51 (sentier de grande randonnée), à quelques encablures des îles d’or et à 32 km de l’Éden-Théâtre (plus vieille salle de cinéma en activité dans le monde) ! La Provence, une région que j’ai découverte quand j’étais minot en lisant « Les lettres de mon moulin » et dont j’ai appris au fil du temps à découvrir les multiples facettes, de Cézanne à Guédiguian en passant par Jean-Claude Izzo et la lutte des travailleurs/euses de Fralib, aujourd’hui Scop-Ti (pour ne citer que ces quelques exemples). Comme disait Giono : « La Provence dissimule ses mystères derrière leur évidence ». Alors, à mes ami·e·s provençaux et provençales : heureux de vous rejoindre, moi et ma compagne, afin de partager avec vous les évidences et les mystères de votre beau « païs » !
Ci-dessous « L’homme qui plantait des arbres », un petit film d’animation réalisé d’après un texte de Giono et qui dresse le portrait d’un berger provençal, humble, opiniâtre, écologiste et humaniste :
Ci-dessous également un extrait de « Lou cant dóu soulèu » (Le chant du soleil), texte de Frédéric Mistral publié en 1876 dans le recueil de poésies « Lis isclo d’or » (Les îles d’or) :
Grand soulèu de la Prouvènço,
Gai coumpaire dóu mistrau,
Tu qu’escoules la Durènço
Coume un flot de vin de Crau,
Fai lusi toun blound calèu !
Coucho l’oumbro emai li flèu !
Lèu ! lèu ! lèu !
Fai te vèire, bèu soulèu !
Traduction : Grand soleil de la Provence / Gai compère du mistral / Toi qui taris la Durance / Comme un flot de vin de Crau / Fais briller ta blonde lampe ! / Chasse l’ombre et les fléaux ! / Vite ! vite ! vite ! / Montre-toi, beau soleil !
C’était il y a deux ans, à quelques jours près. Aujourd’hui, même si je garde au fond du cœur le pays qui m’a vu naître (le Hainaut) et celui dans lequel j’ai vécu et travaillé (« en Flandre, là-haut, tout près du ciel » pour paraphraser une chanson de William Schotte), je ne regrette pas mon installation au pays des cigales. J’y ai retrouvé des ami·es de longue date et j’y ai fait de nouvelles et belles rencontres (que ce soit sur le plan amical, associatif, politique, syndical, culturel, etc.). Les clés d’une transplantation réussie ? La faculté de s’adapter à un nouvel environnement, l’ouverture aux autres… et la qualité du terreau dans lequel la personne transplantée va pouvoir se ré-enraciner !
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Bonjour , je ne sais pas si ce blog est encore actif. Je tombe dessus par hasard , en cherchant la maison de mon enfance et nous étions voisins, jusqu’à mes 10 ans , votre jardin etait collé à celui de Lucas et Léa , si je ne me trompe pas. Je pense me souvenir de vous, de ce fameux cèdre bleu dans votre jardin. Ce qui est drôle , c’est que je suis aussi passé par pont de bois , et Lille fives et j’ai un parcours dans l’animation sociale. J’ai aujourd’hui 32 ans , ça me ramène bien loin en arrière. Au plaisir de vous lire.
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Bonjour,
En effet, mon jardin de Hem était collé à celui de Lucas et Léa. Concernant le cèdre bleu que vous évoquez et qui trônait au centre de ce jardin, j’y pense encore de temps en temps car je l’aimais beaucoup ! Dans mon jardin actuel, pas de cèdre bleu… mais des oliviers et des palmiers !
Moi aussi, je crois me rappeler de vous. Je viens d’en parler à ma femme. Nous avons tous les deux le souvenir d’une petite fille sympa qui habitait quasiment en face de notre maison (au numéro 32, c’est bien ça ?).
Concernant les points communs que vous avez relevés dans nos parcours professionnel et géographique respectifs, c’est vrai que c’est drôle !
Bien cordialement,
Éric D.
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